Le grand soleil est au rendez-vous pour ce premier jour et ça se ressent dans les rues et dans les allées du festival : beaucoup de badauds déambulent déjà et la foule est importante. Comme chaque année, je croise les mêmes personnes connues ou inconnues mais familières, signe que ça y est, le Printemps est bien commencé.
A 17h30, après un rapide tour à l'Accueil Pro, je visite les différents lieux d'accueil. Plusieurs nouveautés notables : l'accès libre pour le public jusqu'à 18h00 à l'espace des partenaires (Conseil Régional, Berry Républicain, Ville de Bourges, Club des Entreprises du Cher, ...) où se trouve également un restaurant, l'Accueil Pro dans le Magic Mirrors, et malheureusement, comme prévu, plus l'Accueil Public extraordinaire des deux dernières années. Celui-ci est revenu comme avant, dans les locaux de la Maison de la Culture, et a perdu son aspect artistique et ludique pour conserver seulement l'aspect fonctionnel.
Ouverture des portes de l'Igloo à 18h30. J'ai la chance de pouvoir être devant la scène, accoudé aux barrières de sécurité. En première partie, Les Valentins ont la difficile mission (ou le "privilège" comme le dira en introduction la chanteuse Edith Fambuena) d'ouvrir le festival à l'Igloo. Ils s'en tirent plutôt bien et jouent un rock basique assez sympa. Après leur prestation, les roadies vident littéralement la scène, ne laissant que la batterie sur une estrade, les retours de scène pour Dolores O'Riordan, chanteuse des Cranberries, et les emplacements pour 4 musiciens aux 4 coins de la scène, et rien d'autre ! En regardant plus attentivement à travers le grand rideau blanc qui masque le fond de la scène, je constate que tout le reste du matos de scène est caché derrière ce rideau : amplis, synthés de guitares, retours, etc. A l'heure dite, Dolores et ses acolytes entrent en scène et frappent d'emblée très fort avec "Wake up and smell the coffee". Dolores a le visage masqué derrière un loup vénitien en dentelle noire. Elle porte une courte jupe en jean avec une ceinture ornée de nombreux colifichets en argent, un chemisier à manches plissées en mousseline noire, un bracelet de force en cuir et argent, et des boots style rangers. Placé où je suis je peux la détailler et la contempler à loisir, au prix de fréquents mouvements de tête tellement elle bouge sur scène ! En fait la scène dégagée lui sert à défouler une énergie incroyable malgré son petit gabarit : elle marche, saute, fait des pas militaires, des pas de danse et ne s'arrêtera que pour jouer un peu de guitare ou de clavier au milieu de la scène. Je pourrais même compter les taches de rousseur qu'elle a sur la poitrine ! Le second morceau, Zombie achève de conquérir le public. Les morceaux s'enchaînent pour le plus grand plaisir des 5000 fans massés dans un Igloo plein à craquer. Dolores enlève son loup au bout de quelques chansons, et découvre ses magnifiques yeux gris cernés d'un maquillage noir profond qui attirent inexorablement le regard. Elle changera 2 fois de tenue au cours des 110 minutes de spectacle. Un ensemble veste et pantalon bleu turquoise avec baskets neuves, et de nouveau une jupe et chemisier rouge avec un boa rouge également. Un début de Printemps haute tension, bon présage ? Je sors du concert sourd comme rarement, il faut se réhabituer à ce niveau sonore après 51 semaines de calme :-)
Histoire de tester l'ambiance dans les allées, nous faisons un tour jusqu'à
la place Séraucourt et dans les allées du parc Saint-Paul. Pour
un premier jour, il y a toujours beaucoup de promeneurs, attirés peut-être
par la douceur de la nuit. Puis nous allons à Germinal écouter
Meï
Teï Chow, qui remplace Cornershop avec Bumcello.
Nous arrivons à la fin du set de Bumcello. Leur musique est très
particulière, très fouillée et parfois presque dissonante.
Le violoncelliste joue sur un violoncelle électronique, sans caisse et
le percussionniste fait beaucoup de bruits bizarres, comme s'il improvisait.
Meï
Teï Chow attaque ensuite, dans un déluge de décibels,
un mélange de dub, reggae et rap.
Christine bat en retraite tellement le son est fort mais je reste jusqu'à
la fin du concert, les rythmes me plaisent bien. Extinction des feux à
1h30.
Nous commençons la journée par l'achat de ravitaillement au supermarché, en prévision de la venue de nos amis ce week-end à la maison.
En
début d'après-midi nous allons guetter l'arrivée de François
Bayrou à la Maison de la Culture. L'exactitude étant la politesse
des rois mais sûrement pas celle des hommes politiques, Bayrou arrive
avec plus de 3/4 d'heure de retard. Il fait une visite rapide de la Maison de
la Culture avec Daniel Colling et une troupe de suivants, puis descend vers
le Village Pro en empruntant les allées de stands. Il a l'air souriant,
et avance dans une indifférence quasi totale. Quelques gamines lui demanderont
un autographe et 2 pochards lui lanceront quelques insultes mais rien de plus.
Nous
allons ensuite au Muséum assister à la conférence de presse
de Susheela
Raman. Elle est accompagnée de son producteur-guitariste (pour la
traduction des questions du français vers l'anglais) et d'une attachée
de presse (pour la traduction des réponses en sens inverse).
Elle est très belle, souriante et diserte. A la fin de la conférence,
elle accepte avec le sourire de signer quelques autographes.
En attendant son concert du soir, nous déambulons dans les allées
et sur la place Séraucourt. Puis nous rentrons à la maison grignoter
quelque chose et, comme chaque jour, lire la presse locale quotidienne.
Lorsque
nous retournons de bonne heure à la Maison de la Culture, la file d'attente
est déjà longue ; est-ce le présage d'un concert de qualité
? La première artiste à chanter est Gigi,
d'originaire éthiopienne, de son vrai nom Egigayehu Shibabaw. Ses chansons
multiculturelles (jazz, rythmes africains et moyen-orientaux, funk) sont lancinantes,
prenantes, mais son passage est trop court pour captiver complètement
le public. Vient ensuite Rokia
Traoré, petite femme jeune et dynamique, entourée de musiciens
traditionnels (dont un joueur de balafon dont l'instrument est superbe) et de
2 choristes-danseuses.
Ses
chansons inspirées nettement des musiques et chants traditionnels de
son pays donnent une furieuse envie de remuer. Et lorsqu'elle se met à
danser on a vraiment envie de se lever et de danser aussi. Lorsqu'on compare
la façon de danser de Rokia et celle de ses choristes, il est évident
qu'elle a la danse dans le sang alors que les autres ont dû prendre des
cours !
Elle enflamme la salle, est rappelée mais revient, non pas pour chanter
("par respect pour l'artiste qui vient ensuite"), mais pour annoncer
Susheela Raman. Classe ! Susheela
Raman entre sur scène avec ses musiciens dans une lumière
faible et commence à chanter sans qu'on la voie distinctement.
Le qualificatif qui sied le mieux à sa voix est : envoûtante !
Elle est accompagnée par un joueur de tablas à la virtuosité
époustouflante !
Nous remarquons sur scène le violoncelliste de Bumcello,
Vincent Ségal.
Après ce superbe triple concert (il est amusant de se rappeler que lors des 2 derniers Printemps avaient eu lieu des soirées de "filles" qui étaient de très bonne qualité : Natyot/Fania/Samia Farah en 2000 et An Pierlé/Jorane/Anjali en 2001) nous allons faire un tour au Magic Club, dans le Magic Mirrors. L'espace dévolu aux personnes est très (trop ?) réduit par rapport à l'an dernier car le lieu sert aussi pour les stands de l'Accueil Pro pendant la journée, qui sont masqués et protégés par des tentures rouges. La musique est produite par le même DJ bedonnant (Rémi ?) qui avait officié lors de la présentation du programme en février. Peu de gens dansent sur la piste. Est-il trop tôt ? Nous restons le temps de boire un verre et nous rentrons nous coucher. Il est presque 2h30.
Réveil
humide : il pleut pour la première fois, mais ce n'est pas trop grave,
il n'y a quasiment personne dans les rues avant midi. Nous allons faire quelques
courses en ville avant d'attaquer une longue journée. Il est encourageant
que cette année un plus grand nombre de commerçants utilisent
les couleurs du Printemps de Bourges dans leur vitrine. Sans parler d'efforts
de décoration (sauf pour quelques magasins, dont un opticien de la rue
Moyenne qui fait des prouesses), nous constatons que l'affiche est visible de
façon importante. A contrario, la FNAC est bizarrement plutôt discrète
dans sa communication sur le festival : à part les disques d'artistes
présentés en tête de gondole par jour, il est difficile
de comprendre que l'enseigne est partenaire à part entière du
Printemps...
A
15h00 nous allons au Museum pour la conférence de presse de Saïan
Supa Crew. Nous arrivons pour les dernières minutes de la conférence
de Belle & Sebastian. Les rappeurs arrivent très décontractés
et lancent immédiatement quelques blagues pour détendre l'assemblée
clairsemée. La salle est plongée dans la pénombre, les
spots qui éclairent normalement les artistes étant tournés
vers le mur. L'interview se passe dans une bonne humeur communicative. Suite
à la question d'un journaliste demandant comment les membres du groupe
se sont rencontrés, la réponse vient d'une façon inattendue
: 3 membres du groupe se lèvent spontanément et jouent leur rencontre,
provocant des éclats de rire dans le public. Ils finissent en improvisant
un rap.
A la fin de l'interview, je demande un autographe à chacun des chanteurs
qui signe avec une amabilité, une chaleur et une gentillesse étonnantes.
Tous se prêtent également avec patience aux prises de photos.
Nous
allons ensuite assister au concert n° 14 : Haven,
Belle &
Sebastian et Jean-Louis
Murat. Bien que proches, les styles de musique des 3 artistes sont très
différents. Haven
joue un soft rock assez mélodique avec des guitares très présentes.
Sympa à écouter. Belle
& Sebastian fait tout à fait penser à un groupe pop
anglais de la fin des années 70, musique riche et voix douces. Les musiciens
sont polyvalents, leur musique s'écoute avec plaisir, on se croirait
revenu à notre adolescence (si on a autour de 40 ans...).
Isobel,
la chanteuse, a un air appliqué mais presque indifférent assez
rigolo, avec ses couettes blondes et son imperméable rouge, qu'elle ne
quittera qu'au bout de plusieurs chansons. Quant à Murat,
si ses chansons maintenant bien connues, portées par sa voix basse et
lente, s'écoutent avec plaisir, le personnage est aussi froid et antipathique
que l'image qu'il donne de lui à la télévision. Les seuls
mots qu'il daignera décrocher vers le public seront pour faire une remarque
acerbe, lors de l'annonce de la dernière chanson, sur la durée
trop courte du concert. On apprendra par son guitariste, venu doucher les espoirs
des fans attendant un autographe, que le concert dure normalement 2 heures (au
lieu de 1 heure cette fois-ci). Il est intéressant aussi de noter que
Jean-Louis Murat aura
été un des seuls artistes (le seul ?) à refuser toute photo
pendant le concert, contrairement à l'habitude qui veut que les photographes
shootent à loisir pendant les 3 ou 4 premières chansons. Mais
parallèlement il a accordé une longue séance de photos
dans les marais de Bourges à TF1...
Après un bref passage par la maison (il faut bien se désaltérer et se restaurer un minimum) nous allons écouter les Saïan Supa Crew sous l'Igloo, qui remplacent la Fonky Family. Bien que moyennement amateur de rap, j'ai bien apprécié leur prestation. Le fait de tchatcher à plusieurs donne du corps aux chansons, et leur discours est plutôt positif. C'est amusant de constater que l'un des chanteurs les plus actifs sur scène est précisément celui qui n'avait pas dit un mot lors de la conférence de presse, tête baissée et l'air peu concerné. Si on ajoute une bonne dose d'humour et une énergie débordante, on peut dire que la Victoire de la Musique qu'ils ont reçue pour leur album X-raisons est bien méritée.
Des amis se trouvant à la Hune pour le spectacle de Christophe, nous nous y rendons, plus pour attendre la fin du récital au chaud que par véritable intérêt. Et en fait Christophe me fera avoir la première véritable émotion à un concert du Printemps depuis que j'y assiste ! J'ai souvent eu du plaisir à l'écoute de tel groupe ou tel artiste, mais des frissons d'émotion jamais encore. La salle étant pleine à craquer, nous trouvons une petite place assis par terre au pigeonnier, dans une chaleur étouffante et le plus loin de la scène qu'il soit possible. Ce qui nous frappe d'abord c'est la qualité du son : clair bien que puissant, la voix de Christophe se détachant parfaitement. Ensuite, la disposition de la scène est inhabituelle : les musiciens et tout leur matériel sont confinés dans la moitié arrière de la scène, alors que Christophe est seul sur la moitié avant, toute blanche, avec pour tous accessoires un pied de micro et un tabouret. Détail surprenant, une cage cubique en fer est placée au milieu des musiciens, dans laquelle prend place le saxophoniste lors d'un de ses solos. Le mélange de la voix si particulière de Christophe et des musiques plutôt rock est plus qu'agréable, on se laisse prendre très facilement. Il parle volontiers avec le public pour introduire ses chansons et malgré sa gestuelle minimaliste et plutôt statique, on sent que la salle est sous le charme, sans doute depuis le début. Le côté suranné et hors du temps du spectacle se confirme par un entracte ! Nous profitons de l'agitation générale pour chercher nos amis qui sont à quelques rangs devant la scène. Nous en profitons pour nous caler dans un petit coin à côté d'eux, sur les marches, au milieu de tous les spectateurs déjà assis là. En seconde partie, Christophe joue la carte de la nostalgie en chantant ses plus grands succès (Aline, Les marionnettes, Les mots bleus) réarrangés de façon plutôt rock, ce qui les dépoussière efficacement. Il nous fera languir en proposant Les mots bleus en instrumental pur avant de chanter la chanson entière en fin de récital. Et c'est là que, en voyant et en écoutant ce grand monsieur interpréter cette chanson intemporelle (que j'aime beaucoup par ailleurs) en sortant de scène, j'ai été pris par une émotion surprenante. Et ce n'était pas fini ! Contrairement à l'habitude au Printemps de Bourges où les rappels sont quasi inexistants, Christophe revient avec une guitare sèche et un accompagnateur aux percussions nous chanter 3 chansons supplémentaires au bord de la scène. Un final grandiose ! Quant on sait que Christophe n'a pas fait de scène depuis 27 ans, la performance est encore plus remarquable !
En quittant la Hune, nous croisons Daniel Colling à qui nous faisons partager notre joie, et notre satisfaction générale pour un Printemps parfait jusqu'ici. Bien qu'il soit peu démonstratif, j'ai senti que ces compliments lui faisaient plaisir. Puis nous rentrons à la maison avec nos amis (qui m'ont très gentiment prêté l'appareil photo numérique avec lequel je peux faire de belles photos pendant ce Printemps) pour prendre une boisson chaude et parler de la soirée.
Encore
une grande journée qui s'annonce, avec l'audio
brunch consacré à Jean-Michel
Jarre. Le matin nous essayons de retirer à l'accueil pro des invitations
pour la conférence de presse de Jarre mais l'accès est plus que
privé et réservé à des professionnels, essentiellement
journalistes, ou des invités de marque. Nous nous dirigeons alors tranquillement
vers le Palais
Jacques Cur pour attendre l'audio brunch.
Nous
sommes les premiers et nous rentrons attendre dans la cour dès son ouverture.
Daniel Colling et François Clavel arrivent peu après et nous devisons
quelques minutes avec d'autres Correspondants. Lorsque l'accès est enfin
possible, nous entrons avec curiosité pour découvrir le somptueux
buffet du brunch, préparé par Marie, animatrice de l'espace chill-out
et de la Cantine du
Batofar à Paris
XIII
Une
fois le plateau rempli, chacun passe dans la Salle des Festins et s'installe
où il veut. Face à une petite scène où sont préparés
les instruments de Jean-Michel
Jarre et de Soul
Designer, des tables pour 8 sont disposées en épi. Lorsque
les musiciens apparaissent, la salle est déjà comble et
pourtant
des personnes arrivent encore avec leur plateau. Après une courte présentation
du déroulement de l'après-midi, Jean-Michel
Jarre présente les instruments sur lesquels il va jouer : un Theremin
de 1920 (ancêtre du synthétiseur inventé par Leon
Termen, qui inspirera Maurice
Martenot lors de leur rencontre quelques années plus tard), un Moog
de 1967 et le tout dernier prototype de synthétiseur en sa possession.
Il explique aussi qu'il va jouer 4 morceaux : l'un composé à ses
débuts au GRM en
1969, Bleu, le second joué au Global
Tekno Festival à Avignon l'an dernier, Metamorphoses et 2
inédits composés spécialement pour l'occasion en à
peine 15 jours, Bourges I et Bourges II. Il termine en rappelant
que lorsque les ménestrels avaient bien joué au Moyen-Age ils
gagnaient un repas et en espérant que ce serait le cas pour lui. Et le
mini concert commence. On a
l'impression
que Jarre est aussi concentré et absorbé par son jeu que lors
de ses concerts gigantesques, il vit sa musique et le sourire qu'il arbore parfois,
ainsi que son accolyte Francis
Rimbert, témoignent d'une joie
certaine
de jouer.
Les 2 morceaux les plus anciens me plaisent moins (ils sont plus issus de la
recherche acoustique, presque musique concrète) mais ceux qu'il a composés
spécialement sont de la veine que je préfère dans sa musique,
planante, lancinante et riche. Lorsqu'il a fini, il vient simplement s'asseoir
à une table libre à côté de la nôtre avec ses
amis pour prendre une collation.
Avant qu'il ne commence j'en profite pour lui demander un autographe. Je lui
arrache un sourire en lui citant le sublime concert au Mont
Saint-Michel (en juillet 1993) et son sourire s'élargit quand je
lui rappelle le concert à Tours
(en octobre 1993) qui avait eu lieu sous des trombes d'eau glacée. C'est
au tour de Soul
Designer, artiste belge du courant techno le plus récent, de
jouer. Le contraste est saisissant entre la musique de Jarre, riche, harmonieuse,
dans laquelle les mélodies
sont
bien identifiables et ont l'importance la plus grande par rapport à la
rythmique, et la techno pure et dure où au contraire la rythmique appuyée,
aux BPM élevés, est obnubilante. J'ai aimé à une
époque ce type de musique mais beaucoup moins maintenant, alors que mon
attrait pour celle de Jarre ne faiblit pas depuis Oxygène.
Une fois la prestation de Soul
Designer terminée, les instruments sont remplacés sur la scène
par
une table destinée à accueillir les animateurs du débat
"De Schaeffer
à la techno" : Jean-Michel
Jarre, Fabrice Lig, aka Soul
Designer, Jean-Yves
Leloup, de Radio FG,
Ariel Kyrou, cyber journaliste, et une autre personne. En fait de débat
ce sera plutôt une conférence très intéressante où
nous apprendrons que, jeune étudiant, il empruntait la clef des salles
de musique au GRM pour aller se frotter aux instruments, alors que l'enseignement
de la première année était purement théorique. Jarre
dénonce d'ailleurs plusieurs fois la rigidité et le
dogmatisme
des sanctuaires de recherche musicale (GRM,
IRCAM, etc.) qui les couperont
inéluctablement du public et de l'exploration live, véritables
lieux de pouvoir où la notion même du plaisir de jouer était
bannie. Pour Jarre la musique électronique (lui, aussi bien que Fabrice
Lig, rejettent le terme de techno qui ne veut rien dire car elle amalgame de
nombreux courants et formes de musiques électroniques) s'apparente à
l'art surréaliste (collages, bidouillages, expérimentations) d'où
son désir depuis les années 80 d'inclure dans ses spectacles des
éléments artistiques nouveaux : vidéo, danse, pyrotechnie.
Pour lui, un spectacle live se regarde et se vit autant qu'il s'écoute.
A 17h00, la conférence est close pour cause de train à prendre
mais Jarre répond encore à quelques questions et c'est en courant
qu'il quitte la Salle des Festins pour s'engouffrer dans la voiture qui l'emmène
à la gare.
L'esprit et les yeux encore plein de cette parenthèse enchantée
en compagnie de Jean-Michel
Jarre (nous avons eu quand même le privilège d'assister au
plus petit concert de sa carrière !) nous déambulons dans les
allées du Printemps
avant de faire une pause à la maison. En zappant mollement entre les
chaînes, nous tombons sur le journal local de FR3 en direct de la place
Séraucourt. Nous nous rechaussons en quatrième vitesse et nous
montons à marche forcée sur la place, mais nous arrivons 1 minute
trop tard. Le journal est terminé, mais la dernière invitée,
Brigitte Fontaine, est
encore sur place et s'apprête à quitter les lieux, accompagnée
par Tina Poulizac, lorsqu'elle aperçoit des fringues qui lui plaisent
à l'étalage d'un marchand. Sans faire le moindre cas de la situation
ou de la foule alentour, elle demande à essayer ce qui lui plaît
et discute avec le vendeur, comme si de rien n'était ! Notre seul concert
en salle de la journée sera Steel
Pulse, à l'Igloo. Nous arrivons au changement de scène
et du fait du style de musique
et
de l'ambiance, nous complétons nos connaissances sur la fabrication des
pétards, de toutes tailles et de toutes qualités sans doute. J'aime
beaucoup la musique de Steel
Pulse et je passe un bon moment à les écouter. En sortant
j'appelle mon beau-frère sur son portable pour savoir où lui et
ses amis en sont sur la route depuis Paris. Coïncidence, ils sont juste
en train de se garer devant chez nous ! Nous les rejoignons donc et, le temps
qu'ils déposent leurs bagages, nous repartons avec eux nous balader.
Après quelques arrêts pour acheter de quoi les sustenter, nous
partons en direction du centre ville, voir ce qui se passe dans les bars. A
cette heure peu avancée ils sont tous bondés et nous ne trouvons
de la place qu'à la terrasse de la Civette, à l'autre bout de
la ville. Le temps est toujours sec mais très frais et nous rentrons
vite nous réchauffer à la maison. Il est 1h30.
Farniente
le matin à la maison. Nous allons retirer des invitations pour le pot
des Découvertes
à 18h00, puis nous consacrons le début d'après-midi aux
Découvertes, catégorie "Chanson & world music",
à la Maison de la Culture. Le premier groupe, Ekzeko,
est réunionnais. Les segas
et maloyas chauds, chauds, chauds qu'ils jouent ne suffisent pas à
animer une Soute pourtant remplie : c'est toujours difficile de réchauffer
le public des Découvertes, surtout en début d'après-midi.
J'ai malgré cela beaucoup de plaisir à entendre chanter le patois
de mon enfance et à regarder les musiciens, qui reflètent bien
la pluralité ethnique de l'île
de la Réunion.
Le
concert suivant se tient à la Hune. Il s'agit des Ravi
d'vour'voir, lorrains jouant de la musique swinguante et même
du reggae.
Les
chansons sont ponctuées d'un humour sympa et de saynètes rigolotes,
et le courant passe bien. Retour à la Soute pour écouter Pfägen
alias Emeric Durieux, régional de l'étape. Là changement
radical de style : chansons réalistes, noires, à ne pas écouter
en cas de blues dans la tête. Les textes sont de la veine contestataire
de l'après 68, à la limite d'être drôles de par leur
passéisme (exemple : "je crache à la gueule de tous les DRH").
Je trouve par contre que les musiques rachètent les textes.
En
repartant à la maison par le parc Saint-Paul, en passant près
de l'espace de la Région Centre, sous la Médiathèque, nous
sommes interpellés par une personne nous invitant à entrer écouter
Les
Passantes, "trio timbrées" de jeunes femmes venues
de Lyon. Nous entrons par curiosité... et nous restons tout le temps
du mini-concert, conquis par ces trois musiciennes chanteuses (ou l'inverse)
un peu intimidées au début mais très douées.
S'inspirant résolument
de
rythmes et sonorités médiévales, Emmanuelle, Clôde
et Hélène mêlent chants, vocalises, passages musicaux, mouvements
de corps et chorégraphies, malheureusement limitées par l'exiguïté
de la scène. Leur spectacle est fascinant et l'auditoire conquis, malgré
l'environnement sonore extérieur, pas vraiment approprié à
la délicatesse de leur répertoire. Leur prestation terminée,
je vais leur faire quelques compliments et leur proposer de leur envoyer quelques-unes
des photos que j'ai prises.
Elles me disent avoir envie de revenir au Printemps pour une prestation plus
organisée et plus complète, aux Découvertes par exemple,
ce qu'elles méritent amplement !
Le pot des Découvertes a lieu dans la salle Chopin, à l'École
de Musique, mais l'accès se fait du côté de la Maison de
la Culture. A l'entrée, nous retrouvons Les
Passantes qui sont bien embêtées car elles n'ont pu obtenir
qu'une invitation pour trois, alors qu'elles souhaitent rencontrer quelqu'un
qui pourrait justement leur organiser un concert dans les mois à venir.
Christine décide généreusement de leur donner sa propre
invitation, et nous rentrons ensemble
dans la salle. A priori je ne connais personne dans l'assemblée alors
j'engage la conversation avec Gérard Verdi,
le chanteur d'Ekzeko,
qui connaît bien Le
Tampon, où j'ai passé mon enfance, puis avec le batteur de
Ravi d'vour'voir
(qui m'offre un CD promotionnel). J'en profite aussi pour goûter les spécialités
régionales liquides (un peu) et solides (beaucoup). Je retrouve Hélène,
des Passantes, qui ne connaît pas la personne qu'elle recherche, donc
qui ne l'a pas encore trouvée. Le hasard veut que je puisse leur rendre
ce service car j'aperçois Mustapha Terki et je lui demande de m'indiquer
la personne en question. Pour me remercier, Hélène m'offre aussi
leur CD de promotion. Au moment où j'allais quitter la salle bondée
et enfumée, les musiciens d'Ekzeko
se mettent à improviser des segas, sans doute pour s'occuper.
Ils sont rejoints par Déa, chanteuse de Mamy
Wata qui recevra un prix Attention Talent Scène d'ici demain,
laquelle se met à danser de façon endiablée sur la musique
! Je m'en vais enfin lorsqu'ils ont fini, déambuler sur la place Séraucourt,
où je retrouve Christine par la magie du téléphone portable.
Nous rentrons faire un break à la maison où nous trouvons nos
amis quasiment à la même place que lorsque nous les avions quittés
!
Nous
ressortons pour le dernier grand concert de ce Printemps. Le ton est donné
avec Dionysos,
groupe découvert au Printemps 2000 en première partie de Louise
Attaque et qui revient pour remplacer Dog. Ils jouent un rock pur et
dur, assez plaisant, tout en arborant un look décalé de premiers
de la classe (veste et cravate pour les mecs, sage robe rouge pour la fille)
et en montrant un grain de folie plutôt sympa. Dès le second morceau,
le chanteur guitariste se jette dans la foule, et il finira le concert accroché
au pylône de soutien de l'Igloo ! Par contre nous supportons difficilement
The Jon Spencer Blues
Explosion : le son est saturé, de mauvaise qualité et
d'un volume
assourdissant.
C'est tellement insupportable que nous quittons l'Igloo jusqu'au changement
de scène avant Garbage.
Et avec eux, par contre, la journée se finit nettement mieux. Je ne connaissais
pas trop la musique de Garbage
et la découverte est une très bonne surprise. Ils jouent un pop
rock plutôt harmonieux qui me plaît beaucoup. Et il est amusant
de constater que ce festival aura ouvert et fermé avec un groupe dont
le leader est une superbe fille, mais chacune avec une personnalité diamétralement
opposée à l'autre. La chanteuse Shirley
Manson, aussi blonde que Dolores est brune, a un contact beaucoup plus fort
avec le public. Elle fait des efforts pour dire quelques mots en français
et n'a de cesse de se pencher vers les premiers rangs et de tendre son micro.
L'équilibre entre les membres du groupe est plus grand qu'au sein des
Cranberries,
où il est évident que Dolores dirige et domine.
Après
ce final jouissif nous rentrons à la maison chercher nos amis pour aller
faire un tour des bars. Le tour sera vite fait car à l'unanimité
nous voulons retourner au O'Brian's que nous avons fort apprécié
les années passées. Comme il est assez tard, nous trouvons de
la place assise, et nous dégustons une bière en écoutant
la fin de la prestation de Mary-Lou, trois musiciens jouant des airs d'inspiration
irlandaise. Quand nous partons, vers 2h30, le bar est presque vide et c'est
une bonne heure pour aller dormir.
Ce
matin le réveil est nécessaire car la conférence de presse
de clôture est aux aurores : 10h00 ! Elle se tient traditionnellement
dans le Magic Mirrors, où sont disposées des tables rondes qui
recevront un léger petit-déjeuner. petit bémol, nous sommes
assis aux 2 seules tables qu'évitera la serveuse, légèrement
débordée par le nombre de personnes présentes. En lisant
le résumé des chiffres de fréquentation remis à
chacun, nous comprenons que l'ambiance de cette conférence sera au beau
fixe. Deux extraits : plus de 51000 billets délivrés alors qu'il
en fallait un peu plus de 47000 pour atteindre l'équilibre, 96% de taux
de remplissage des salles. Et en effet, la conférence se déroule
assez rapidement, peu de questions sont posées et les journalistes semblent
globalement satisfaits.
Beaucoup
de concerts étaient complets, y compris des Découvertes, et même
celui des Cranberries
à l'Igloo a été bénéficiaire. A la question
concernant l'annulation in extremis de Saez et de la Fonky Family, Daniel Colling
répond sans détour qu'il y a eu rupture abusive de contrat et
qu'une suite judiciaire pour dédommagement n'est pas à exclure.
Il relaie également l'annonce officielle de la création d'un Centre
National de la Chanson, des Variétés et du Jazz, faite par
Catherine Tasca à l'occasion de sa venue à Bourges. La traditionnelle photo
de l'équipe du Printemps au grand complet est prise comme chaque année
devant le Magic Mirrors. En rentrant à la maison, je fais une jolie photo
de Daniel Colling et de son fiston, que je lui enverrai.
Nous attendons le retour des enfants, ramenés par mes beaux-parents.
Ils sont en pleine forme après deux semaines de vacances et n'ont qu'une
hâte : aller faire les boutiques dans les allées du Printemps !
Ce dimanche de fin de Printemps est une grande première puisque les spectacles
sont concentrés dans l'Igloo, qui est libre d'accès pour tous.
Je vais tout d'abord avec Benjamin faire un tour sous l'Igloo pour lui montrer
une salle de concert de l'intérieur.
A voir le public hétéroclite et de tous âges massé
autour de nous (les bâches de côté de l'Igloo ont été
relevées pour permettre une meilleure circulation) il est clair que de
nombreuses personnes viennent pour la première fois à un concert
de ce type et découvrent par la même occasion l'agencement d'un
lieu de concert de rock ! Mais c'est ce qui fait le charme de cet après-midi
particulier. Nous écoutons un moment Un
air, deux familles, bande de joyeux lurons délivrant aussi bien
du rock alternatif vitaminé que des chansons d'inspiration tsiganes.
Puis nous repassons
à
la maison chercher Christine et Solène pour faire un tour ensemble dans
les allées marchandes. Au bout d'un moment je prends le large pour traquer
les battucadas qui convergent de la ville vers l'Igloo, en particulier celle
bien connue de Bill Kleinsmith,
les Berrysiliens.
Au gré de mes nombreux aller-retours entre l'Igloo et la place Séraucourt,
j'écouterais un peu de la Compagnie
du 26 Pinel et des Fils
de Teuhpu. Je retrouverais aussi Christine et Solène à
l'Igloo. Solène nous surprend par son intérêt pour la musique
rock et l'ambiance de foule !
A 20h00 nous rentrons à la maison pour saluer nos amis qui retournent
à Paris et nous ressortirons un peu avant 21h00 pour jouir des derniers
instants de musique et de fête sous l'Igloo désert. L'ambiance
est assez surréaliste : au crépuscule bien avancé, à
peine 200 personnes motivées dansent dans un Igloo vide, devant la scène
sur laquelle le Grand Orchestre du Bal temine un show qui a mis le feu
sous l'Igloo en dernière partie de soirée, avec des reprises de
grands classiques du rock et du ska des années 80. Les musiciens sont
interrompus presque de force à 21h15, mais on sent qu'ils auraient encore
bien continué un peu. Enfin le maigre public quitte l'Igloo en emportant
les dernières notes d'un Printemps qui s'est montré exceptionnel
à tous points de vue.
A l'année prochaine !